Au FPU nord-européen, dentelle urbaine et grand paysage

Projets urbains
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En treize projets et deux tables-rondes, Le Forum des projets urbains (FPU) nord-européen, organisé par Innovapresse (éditeur d’Urbapress) le 30 janvier à Lille, avait pour but de montrer comment, dans les Hauts-de-France, en Belgique, et aux Pays-Bas, les projets urbains parviennent à dépasser les contraintes, multiplier les partenaires, pour faire la ville sur la ville, reconstruire le paysage, réparer l’habitat, ou dynamiser le commerce. Morceaux choisis.

Lille "Iter Vitae" : quand le public pilote un projet privé
A l’origine, le projet "Iter Vitae" consistait à regrouper sur un même site deux Ehpad gérés par l’association Feron Vrau. Décision a été prise par Adim Nord-Picardie de tout reconstruire à neuf (conception : Reichen et Robert et Associés) en lieu et place de l’ancien hôpital pour enfants Saint-Antoine, tout en conservant une partie des façades de ce bâtiment historique. La ville de Lille a d’ailleurs gardé la main sur les orientations de programmation et d’urbanisme, une méthode ancrée dans les habitudes locales. Car il s’agissait également de redynamiser un secteur particulièrement bien situé et desservi. Au plus grand Ehpad d’Europe (19 800 m2) déjà livré vont donc venir s’ajouter d’ici à trois ans 21 400 m2 de logements, 1 200 m2 de commerces et une crèche. Un projet urbain en soi, à près de 80 M€. (NG)

Amiens : un récit urbain attendu pour une "vallée idéale"
Le vœux d’Amiens Métropole pour 2018 ? Un projet pour sa "vallée idéale". L’agglomération a lancé mi-janvier un appel à la créativité de promoteurs, investisseurs et architectes. Les candidats doivent présenter des intentions d’aménagement assumant la place de l’eau et des zones humides en ville. "C’est la fin du travail à la parcelle et l’engagement d’un récit urbain global", expose Jean-Christian Cornette, directeur de la SPL Amiens Développement, concessionnaire. Trois sites sont concernés entre la gare et le secteur des Hortillonnages, lieu pionnier d’agriculture urbaine : un ancien dépôt d’autobus, des installations de la Sernam (avec une halle Freyssinet) et le terrain de "l’île aux fruits". 60 à 70 000 m2 de logements, de bureaux et d’activités peuvent y être réalisés "en harmonie". La collectivité n’a pas fixé de programmation rigide et attend des propositions innovantes. (BV)

Breda : l’urb-eau-gisme au défi de l’extension du centre
Hans Thoolen, coordonnateur de la qualité urbaine de Breda (Pays-Bas), craint de ne pas bien parler français. Il n’hésite pourtant pas à inventer un mot pour caractériser la démarche de cette cité de 185 000 habitants : "urb-eau-gisme". Un alliage d’urbanisme et de paysagisme, centré sur la maîtrise, l’usage et la valorisation de l’eau, à seulement dix mètres au-dessus du niveau de la mer. Pas moins de 280 personnes s’emploient, dans les services de la ville, à la construction de cette forme de développement durable. Après de nombreux travaux sur les espaces et l’habitat, l’actualité de Breda, c’est l’extension de son centre-ville, sur plus de 120 ha, autour d’une toute nouvelle gare TGV et du port fluvial. Un défi supérieur à ceux qui ont été relevés jusqu’ici. La ville et ses experts l’abordent prudemment, d’autant que le budget nécessaire, de l’ordre de 400 M€, n’est pas acquis. Des "scénarios extrêmes" d’urbanisation du quartier du port ont été établis, épuisant chacun une possible thématique : la rétention de l’eau, l’énergie, l’économie… Depuis quelques années, des pionniers ont implanté sur place des activités artisanales, ludiques, culturelles : la municipalité a décidé de "formaliser l’informel", par le biais d’aménagements d’ampleur limitée, laissant la créativité s’exprimer dans une sorte d’"état libre". (BV)

Habitat dégradé : le travail de fourmi de La fabrique des quartiers
Dans la Métropole européenne de Lille (MEL), un ménage sur cinq vit en-deçà du seuil de pauvreté. La MEL, dont le parc de 465 000 logements est aux trois quarts privé, recense sur son territoire 42 000 logements anciens dégradés, soit 10 % du total français, et autant de logements vacants. Depuis huit ans, la Société publique locale d’aménagement (SPLA) La fabrique des quartiers, présidée par le maire (ex-LR) de Roubaix Guillaume Delbar, mène un travail de fourmi – "à la parcelle" – pour améliorer dans le temps long cette situation dramatique. "Cela réclame une intelligence partenariale, à l’opposé du système de la ZAC", explique Vincent Bougamont, son directeur. Pour conduire les programmes qui lui sont confiés et qui combinent résorption de l’habitat insalubre, requalification de logements dégradés, renouvellement urbain et revitalisation de quartiers, la SPLA travaille en effet avec l’Anah (Agence nationale de l’habitat), l’Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine), la région Hauts-de-France, l’Etablissement public foncier Nord-Pas-de-Calais, de nombreux prestataires (architectes, urbanistes, promoteurs, bailleurs, bureaux d’étude, organismes sociaux) et, bien sûr, les habitants. Selon la nature des opérations il est fait appel à plusieurs formes de contractualisation, dont la fameuse maison à 1 € sous condition de travaux. (NG)

Euralille 3000 : la turbine tertiaire multiplie les plaisirs
Lorsqu’en 2010 Jean-Louis Subileau quitte la direction générale de la SPL Euralille, il énonce : "Euralille n’est pas fini". Ses successeurs, Laurent Théry puis Michel Bonord et aujourd’hui Fabrice Veyron-Churlet, n’ont pas oublié. La "turbine tertiaire" chère à Pierre Mauroy est entrée dans une phase d’intensification et de réinvention dont l’objectif est d’en faire un quartier métropolitain du 21e siècle multipliant les fonctions. Avec 250 000 m2 de programmes supplémentaires, Euralille 3000 entend non seulement conforter le troisième quartier d’affaires de France mais également élargir la plaque tournante des mobilités que constitue le site avec ses deux gares (37 millions de passagers à horizon 2030), tout en lui apportant ce petit supplément d’âme qui lui manque. Un rôle de choix a été confié au promoteur lillois Nacarat, chargé de réaliser deux opérations clés : le Shake, immeuble de bureaux prétendant effectuer "un saut générationnel" (conception PCA Stream), et Swam, un ensemble mixte abritant un hôtel (conception De Alzua+). (NG)

Roncq : des logements connectés promus et suivis par Nexity
Des petits immeubles dans la prairie, oui, mais au top de la domotique. A Roncq, près de Tourcoing, sur le site d’une ancienne ferme, Nexity vient de livrer 71 logements connectés en accession. Le promoteur a travaillé avec les architectes Goulard-Brabant-Loïez et avec la société Urmet, qui développe le système Home Book. A partir d’un interphone relié à des capteurs, les habitants peuvent suivre leur consommation d’énergie et comparer leurs résultats à la moyenne de l’immeuble. Par le biais de la domotique Yokis, ils pilotent aussi leurs volets et leur éclairage. Certaines fonctions sont pratiquables sur tablette ou smartphone. Enfin, les résidents peuvent échanger avec leurs voisins, sur une "liste d’amis". Nexity s’engage dans le suivi des logements et l’accompagnement des investisseurs et des locataires, en assumant pendant un an au moins la fonction de syndic. (BV)

L’Union trouve un second souffle
Urbaniste coordonnateur de l’Union depuis 2016 avec Ma-geo, atelier Georges et Concepto (succédant à Reichen et Robert, Ma-geo, Epure et Concepto), Frédéric Bonnet (Obras) a trouvé "quelques très beaux bâtiments, la plupart des infrastructures réalisées et un tiers de la programmation construite". La dynamique de ce quartier porté par la MEL sur Roubaix, Tourcoing et Wattrelos est tirée par l’activité économique (140 entreprises, 2 600 salariés). Chargé de donner un second souffle (et une nouvelle image) au projet, le Grand Prix de l’urbanisme 2014 a proposé de "créer un double adressage métropolitain (sur le canal) et local (en accroche avec les quartiers voisins)" ; de "tirer parti de l’énergie existante", en répondant aux besoins de développement des entreprises tout en produisant des logements ; et d’innover de manière "pragmatique" : trame verte amplifiée, économie et réversibilité espaces, travail sur les formes urbaines. Avec une traduction sémantique elle aussi attractive : "Smart Union" pour décliner cinq axes de la ville intelligente, "Oasis nature" pour promouvoir la biodiversité. (MCV)

Bassin minier du Pas-de-Calais : des parcs qui font chaîne
Dans le bassin minier du Pas-de-Calais – ce long village-rue, selon le mot de Jean-Louis Subileau – le paysagiste Michel Desvigne et l’architecte Christian de Portzamparc ont discerné la trame urbaine et paysagère d’un "archipel vert". Plus de 2 000 ha de terrils, de plans d’eau, de bois, de chemins reconquis par la nature ou aménagés pour la détente, connectés à des cités minières remarquables. Un atout traduit dans le concept de "chaîne des parcs", qui donne à chacun de ces espaces une valeur supplémentaire. Des chantiers sont programmés jusqu’en 2020 pour valoriser 300 ha de zones humides près de Harnes, relier le Louvre-Lens et le carreau de fosse de Loos-en-Gohelle ou installer une signalétique spécifique. Des réalisations comme les pôles-gares de Béthune et Libercourt ou le quartier zéro carbone de Méricourt sont intégrés à cette démarche et commencent à bénéficier de cette extension d’échelle. (BV)

Bruxelles : le retour du canal perdu
Au début du siècle, le canal de Bruxelles a fait son coming-out. La voie d’eau délaissée a été révélée à la cité par des micro-projets et des initiatives culturelles. En 2014, Alexandre Chemetoff a rassemblé dans un plan des objectifs partagés pour l’aménagement de cette bande de territoire d’une quinzaine de kilomètres de long, avec un périmètre opérationnel de 700 ha, dont 300 en propriété publique. Depuis, la Région Bruxelles-Capitale a constitué une équipe dédiée qui reçoit les projets, publics et privés, les instruit et les suit. Le cahier des charges général est fondé sur la mixité fonctionnelle (construire des logements pour répondre à l’essor démographique mais garder de l’activité productive), une rationalisation de l’usage des sols et un soin apporté aux espaces publics. Le Bouwmeester régional, "maître-architecte", est garant de la qualité de cette entreprise, qui court jusqu’en 2025. (BV)

FCB à Lille : agilité et souplesse dans une "usine-monstre"
"La transformation de l’usine FCB de Lille n’est pas un projet simple", avance Djamel Klouche, l’urbaniste choisi par la ville et par l’aménageur, la SEM Soréli. A l’arrêt depuis 2001, l’énorme complexe métallurgique, couvrant plus de 20 ha, continue d’impressionner. Une bourse du travail, un lycée hôtelier, un système de récupération des eaux pluviales y ont été implantés à petits pas. Une des hautes et longues halles de fabrication a été transformée en "passage". Une autre accueillera bientôt des activités liées à l’alimentation. Et enfin, des programmes de logement ont été lancés. "La démolition n’est pas un préalable", disait Djamel Klouche quand il a découvert le site. Le parti opérationnel demeure l’agilité et la souplesse, autorisant l’invention. Mais la Soréli n’en veille pas moins au bon calibrage des constructions, à la diversité des fonctions et… à l’équilibre financier de l’opération. (BV)

Dunkerque en quête d’un second souffle
Après des décennies de développement essentiellement industriel, Dunkerque se trouve à un virage. Les travaux sont partout dans la ville, dans l’espoir de stopper une hémorragie démographique qui dure depuis trop longtemps. Sur le port, entre centre-ville et quartier balnéaire de Malo, le Grand large, de Nicolas Michelin, est une pièce majeure du puzzle. La vision idéale d’écoquartier a, en effet, été inversée par la crise immobilière de 2008. Le cabinet Passagers des villes s’est donc vu confier la mission de renouer avec la réalité par une triple logique : la réparation des problématiques quotidiennes, une reprogrammation concertée et un renouveau du logement à la faveur d’un premier appel à manifestation d’intérêt. "Nous militons pour des petits volumes, permettant de faire travailler des acteurs locaux", expose Jean-François Broutele, directeur général de S3D, la SEM qui pilote l’aménagement de la ZAC. Bref, parti d’un plan masse, le Grand large est devenu un atelier de fabrication de la ville. (NG)

Lille Saint-Sauveur : d’une friche ferroviaire à un quartier du quotidien
Depuis 2009, Saint-Sauveur n’est plus une page blanche de 23 ha. En effet, la gare a été reconvertie en un lieu culturel qui fait désormais partie des adresses préférées de la jeunesse lilloise. Mais il s’agit aujourd’hui d’aller au bout de ce projet de reconquête estampillé MEL et ville et piloté par la SPL Euralille. Les agences d’architecture Gehl et Béal & Blanckaert ont été retenues avec la paysagiste Claire Schorter à l’issue d’un dialogue compétitif pour assurer la maîtrise d’œuvre urbaine de cette opération mixte de 240 000 m2 de SDP (2 400 logements). "Des îlots nordiques viendront marquer un retour aux gestes du quotidien", annonce Antoine Béal. Au milieu, des cheminements verts mèneront à un parc urbain de 3,4 ha, au fond duquel sera construite une piscine olympique. Le St-So Bazaar, espace tertiaire alternatif de 5 000 m2 pour lequel a été lancé un appel à manifestation d’intérêt, enrichira l’ensemble. (NG)

Table-ronde : quel avenir pour les centres-villes ?
Il y a du neuf dans les cœurs de villes moyennes, nimbés de morosité depuis plusieurs années. D’abord, la Caisse des dépôts a procédé à une expérimentation dans dix communes françaises : elle a participé à l’analyse des difficultés en matière d’habitat, de commerce et de vie collective. Ce travail a débouché sur une trentaine de conventions "centres-villes de demain", aux termes desquelles la banque publique investit son ingénierie et son appareil financier dans les politiques de revitalisation des communes. Ces prémisses ont inspiré le dispositif "action cœur de ville" lancé par l’Etat fin 2017 à destination des villes de 20 à 100 000 habitants. "La CDC en sera partie prenante", indique Gaëlle Velay, directrice régionale Hauts-de-France. Elle prévoit d’investir 1,7 Md€ pour l’ensemble du pays, dont 100 M€ dans le conseil aux communes candidates. 
Claude Féret, adjoint au maire d’Arras chargé des aménagements urbains, témoigne que des renversements de tendance sont possibles. Dans la préfecture du Pas-de-Calais endormie, le taux de vacance commerciale dépassait 17 % en 2016. La Ville a freiné les implantations d’hypermarchés, sollicité des regards d’experts, étoffé sa direction du commerce et embauché un développeur de centre-ville. Résultat, acquis cellule par cellule : il n’y a plus que 10 % de magasins vides. Mais il reste des efforts à accomplir pour résorber la vacance dans les appartements, au-dessus des commerces. "Un centre-ville qui bat, c’est bien. Un centre-ville habité, c’est mieux", conclut Claude Féret. (BV)

Séance plénière : émergence de projets et coopération entre acteurs
Le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais vient de loin… Nul ne songe à lui contester son poids historique et son caractère patrimonial, reconnus par l’Unesco. Mais ce passé peut aussi s’avérer inhibant. A la tribune du FPU nord européen, Sylvain Robert, le jeune maire de Lens, a dit toute l’énergie qu’il fallait pour réactiver l’ex-région industrielle. Une étape importante a été franchie en 2009, vingt ans après la fermeture du dernier puits de mine, avec la création d’Euralens. Cette équipe d’experts a apporté aux acteurs locaux une ingénierie nécessaire et a mobilisé des grands noms de l’urbanisme. Ces efforts ont aussi produit un résultat essentiel, souligne le maire de Lens : ils ont ranimé, au sein de la population, la confiance en un avenir possible.
Pierre Sauveur, président de la maison de l’urbanité de Liège, a recensé les facteurs d’émergence des projets urbains : les bouleversements économiques, bien sûr, mais aussi les aléas politiques, des phénomènes démographiques, des contraintes naturelles, comme la maîtrise de l’eau ou l’adaptation au changement climatique… Les méthodes diffèrent pour y répondre en France, en Belgique et aux Pays-Bas. Mais on s’accorde partout sur un point, note l’urbaniste : aucun dossier ne peut plus se conduire en dehors des impératifs de développement durable et de participation des habitants.
Les projets émargeant aux fonds européens, et notamment aux crédits Interreg, obéissent aussi à des logiques différentes en fonction de leurs pays d’origine. D’où l’importance de négociations en amont et de l’accompagnement des porteurs d’initiatives dans la recherche de partenaires, indique Elizabeth Boulet, conseillère régionale des Hauts-de-France en charge de ces questions. C’est l’un des rôles de la collectivité, désignée autorité de gestion des fonds de l’UE sur son territoire. (BV)

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