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La prime au massacre
La prime au massacre
La rage de démolition ayant atteint la France depuis trois décennies ne semble plus pouvoir s’arrêter. Le système mis en place à travers l’ANRU il y a 20 ans avance comme un rouleau compresseur devenu fou. Si la question n’était que patrimoniale – lorsque l’on détruit des architectures comme la Butte-Rouge ou la Maladrerie –, ce gâchis serait déjà très préoccupant mais, bien plus grave à l’heure de la pénurie de logement, ces démolitions coûtent beaucoup plus chères que des réhabilitations, grevant d’autant le financement de nouvelles constructions. Elles ont surtout un bilan carbone catastrophique. Pourtant les maires ne détruisent pas forcément par plaisir mais parce que ces destructions leur donnent, via l’ANRU, accès à des subventions inespérées. C’est l’effet pervers de la prime au massacre. En dehors des habitants expulsés dont l’avis compte peu et qui sont, de fait, minoritaires, cette tabula rasa suscite par ailleurs presque toujours un enthousiasme populaire tant est répandue la croyance qu’avec la disparition de ces bâtiments – insalubres par manque d’entretien –, ce sont tous les problèmes sociaux et les erreurs ou carences d’aménagement du territoire qui s’évaporent miraculeusement.
La première chose à faire ne serait-elle pas d’utiliser les sommes colossales que dispense l’État dans ce carnage pour réparer et entretenir ces bâtiments ? Et comme le montre notre dossier du mois, on s’apercevrait que, dans beaucoup de cas de réhabilitations, on pourrait même se passer de cette manne. Manne dont les principaux bénéficiaires sont les promoteurs privés, dont on comprend qu’ils ont tout intérêt à prolonger ce système le plus longtemps possible.
Le coût urbain et économique de la sauvegarde de certaines constructions peut à quelques rares exceptions légitimer leur démolition et sans doute faut-il se garder de tout dogmatisme, mais viendra bientôt un jour où il sera difficile d’expliquer pourquoi, alors que l’on subissait une grave crise du logement et une pénurie de ressources, autant d’argent fut mis pour le démolir.
Emmanuel Caille
LEGENDE
Louise Ferrand (Yolande Moreau) échappe de justesse à la destruction de son HLM. Images tirées du film Louise-Michel (2008) de Gustave Kervern et Benoît Delépine. Disponible en DVD.
SOMMAIRE :
MAGAZINE
5 > Le dessin de Martin Étienne
6 > Prix d’architectures 10+1 2024
12 > PARCOURS
La Soda, Adoucir l’usage
22 > PHOTOGRAPHIE
Giaime Meloni : la vie des formes architecturales
30 > RAZZLE DAZZLE
L’image zéro
33 > QUESTION PRO
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 3/6
36 > CONCOURS
Concours pour l’Astrolabe, la scène des musiques actuelles d’Orléans, Fleury-les-Aubrais
Entretien avec Frédéric Bonnet, Obras Architectes
46 > LE GRAND ENTRETIEN
L’architecture n’est pas une fin, entretien avec Nicola Delon
(Encore Heureux)
DOSSIER
ANRU, SYSTÈME DE DÉMOLITION
56 > 20 ans d’ANRU : les limites d’un système, par Stéphanie Sonnette
61 > Changer l’objectif : de la mixité sociale par la démolition à la transition écologique des quartiers, Entretien avec Renaud Epstein, professeur de sociologie
65 > Changer le regard : patrimoines à haut potentiel de transformation, par Isabel Concheiro
70 > Patrimoines en danger : état de lieux
82 > En finir avec la doctrine de démolition-reconstruction, par Pierre Chabard
85 > Faire revenir le renouvellement urbain dans le droit commun de l’urbanisme, par Maxime Vicens
RÉALISATIONS
TRANSFORMER LES LIEUX D’ENSEIGNEMENT
90 > DADOUR DE POUS
Réhabilitation énergétique de l’École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille
104 > MARS ARCHITECTES
Réhabilitation énergétique du collège Anne-Frank, Antony, Hauts-de-Seine
116 > A+ / SAMUEL DELMAS
École Voltaire, Châtenay-Malabry, Hauts-de-Seine
126 > BERNARD QUIROT (BQ+A)
Cercle scolaire La Franche-Montagne, Maîche, Doubs
GUIDE
136 > D’A LAB
La parade du design
141 > TECHNIQUES
Menuiseries extérieures : sous le solaire exactement
155 > AGENDA
162 > QUÈZACO ?
Mais qu’est-ce donc ?
Prochain numéro de d’architectures,
n° 321, novembre 2024
En couverture : Louise Ferrand (Yolande Moreau) échappe de justesse à la destruction de son HLM. Images tirées du film Louise-Michel (2008)
de Gustave Kervern et Benoît Delépine. Disponible en DVD.