Si les Sages ont validé "les objectifs et principales dispositions" du projet de loi "Egalité et citoyenneté", ainsi que l’a souligné le gouvernement, ils ont en revanche censuré plusieurs mesures. Ils ont notamment jugé non-conforme à la Constitution la suppression de la DSU dans les communes carencées au titre de la loi SRU, qui remet en cause "le principe de libre administration des communes".
Les ministres du Logement et de la Ville se sont félicités, jeudi 26 janvier, de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur le projet de loi "Egalité et citoyenneté", estimant qu’il avait validé "les objectifs et principales dispositions proposés par le gouvernement ou issus des travaux parlementaires en matière de mixité sociale, d’engagement citoyen et d’égalité réelle". Toutefois, les Sages ont censuré plusieurs dispositions du texte, sur lequel ils avaient été saisis par plus de 60 sénateurs et plus de 60 députés. En ce qui concerne le titre II de la loi, qui regroupe les mesures relatives au logement, le Conseil a jugé contraire à la Constitution l’article 100, prévoyant la suppression de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) pour les communes qui, n’atteignant pas leurs objectifs de réalisation de logements sociaux en application de la loi SRU, font l’objet d’une procédure de carence. Rappelant que "cette dotation a pour objet d’améliorer les conditions de vie dans les communes les plus défavorisées", le Conseil a également souligné que "le dispositif mis en place par la loi faisait perdre à la commune le bénéfice de la dotation quel que soit l’écart entre le niveau de logements sociaux dans la commune et les objectifs auxquels elle est tenue". Il "s’est enfin fondé sur le fait que la perte de ressources ne faisait l’objet d’aucun plafonnement", explique-t-il. Il en a donc "déduit que les dispositions de l’article 100 méconnaissaient sur ce point le principe de libre administration des communes", donnant ainsi raison aux parlementaires de l’opposition à l’origine de la saisine. "Le Conseil constitutionnel rejoint le Sénat sur la nécessité de défendre la libre administration des collectivités territoriales, liberté fondamentale que le gouvernement mettait à mal en prévoyant des procédures coercitives et inefficaces sur le logement social", a réagi Dominique Estrosi-Sassone, sénatrice (LR) et rapporteure du projet de loi.
Les arguments des parlementaires ont en revanche été balayés par les Sages sur plusieurs articles : le Conseil a estimé conformes à la Constitution les dispositions de l’article 70 de la loi qui prévoient que 25 % des attributions annuelles de logements sociaux situés en-dehors des quartiers défavorisés seront réservées aux demandeurs les plus modestes ; de même que celles de l’article 97 qui redéfinit les conditions d’application de la loi SRU et les modifications apportées par l’article 98 à la procédure de carence.
36 cavaliers législatifs
En outre, plusieurs mesures ont été censurées au titre du non-respect de la procédure législative. 36 articles ont été qualifiés de cavaliers législatifs (notamment l’article 145, qui modifie le champ de compétence des sociétés publiques locales et des sociétés publiques locales d’aménagement, et l’article 110, qui supprime l’exigence que le préjudice subi par le bénéficiaire d’un permis de construire soit excessif pour qu’il soit autorisé à en demander réparation à l’auteur d’un recours abusif contre ce permis). Sept dispositions, introduites en nouvelle lecture, ont été censurées car jugées contraires à la règle de "l’entonnoir". Les deux ministres ont indiqué "prendre acte de la censure, pour des motifs de procédures", de "certaines dispositions spécifiques pourtant attendues au regard des objectifs de la loi", citant notamment "l’encadrement des recours abusifs contre les permis de construire, [ou encore] la meilleure prise en compte du surendettement des locataires pour lutter contre les procédures d’expulsion".
Cette décision satisfait en revanche les sénateurs de l’opposition. "La décision du Conseil constitutionnel constitue une sanction contre la frénésie et le désordre législatifs. Elle marque un coup d’arrêt à une pratique gouvernementale que le Sénat combat depuis plusieurs années", s’est réjoui Philippe Bas, président (LR) de la commission des lois. De son côté, Jean-Claude Lenoir, président (LR) de la commission spéciale du Sénat qui avait examiné le projet de loi, a estimé que "cette censure sanctionne la méthode suivie par le gouvernement et l’Assemblée nationale : d’un texte luttant contre le délitement du lien social et contre le terreau de la radicalisation, nous sommes passés à un texte fourre-tout et électoraliste ne réglant aucun problème concret". Le projet de loi initial comptait 41 articles, mais 221 à l’issue de la navette parlementaire. La loi, amputée des dispositions censurées, a été publiée au JO le 28 janvier.