Mercredi 15 décembre Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au Logement, a remis le Grand Prix de l’urbanisme à l’AUC (François Decoster, Djamel Klouche, Caroline Poulin). La ministre a salué ces "amoureux des villes, de leur diversité, de leur histoire", qui se consacrent à "leur transformation en intégrant leurs atouts comme leurs faiblesses, en travaillant sur les interdépendances, les solidarités à créer, les continuités…". Tout cela entre, selon Emmanuelle Wargon, "en résonnance avec les enjeux d’aujourd’hui" (la densité, le ZAN, le rapport habitat individuel-habitat collectif, la réhabilitation de friches…), sujets qui ont "bien décanté chez les professionnels, un peu moins chez le grand public". Et de souligner : "votre travail correspond exactement à ce dont nous avons besoin, et nous avons besoin que tout ceci devienne simplement évident".
Pendant l’après-midi de débats préalables à la cérémonie, conçus et animés par Ariella Masboungi, Grand Prix de l’urbanisme 2016, il avait été beaucoup question de délicatesse, de bienveillance, d’empathie et d’humilité, d’"arrêter de mettre les moyens avant les fins" (François Decoster), de "comprendre les territoires dont personne ne s’occupe" (Djamel Klouche), de considérer que "notre intervention n’est qu’une séquence inscrite dans un projet bien plus long" (Caroline Poulin). Hybridation des programmes, approche systémique, composition avec les contradictions et les paradoxes, rapport au temps et aux différentes échelles ont aussi fait le "bonheur" des maîtres d’ouvrages qui ont croisé le chemin de l’AUC.
En recevant leur prix, les trois architectes urbanistes ont réaffirmé leurs convictions. D’abord, leur définition du rôle de l’urbanisme rappelée par François Decoster : "une manière de voir le monde et la ville, et surtout une discussion et une réflexion collectives. Ce qui nous interpelle aujourd’hui, c’est une forme de détachement entre la réflexion et la fabrique de la ville, un glissement d’un pilotage public vers un portage privé qui tend à focaliser la réflexion sur des périmètres restreints : il faudrait moins d’immobilier et plus d’urbanisme. Il faut donc continuer à mobiliser les collectivités, les bailleurs sociaux, les aménageurs, mais aussi les acteurs privés porteurs de projets pour que se poursuive une réflexion prospective sur une ville contradictoire. Il faudrait aussi rendre possible une gouvernance de projet plus agile, moins coincée dans des carcans réglementaires qui ne cessent de s’empiler jusqu’à rendre toute tentative d’innovation difficile". Et alors que "l’actualité tend à trop simplifier les débats et à opposer les modèles, les idées et les gens, il faudrait parler de manière égale du centre et de la périphérie, de la ville intense et de la nature… pour un urbanisme qui rassemble, hybride, relie, invente des agencements nouveaux dans la proximité et la grande échelle, se donne le temps et les moyens de réfléchir…". Caroline Poulin ajoutant que "la démolition ne peut plus être le point de départ", et invitant à "observer les situations, en comprendre les qualités, en dire le potentiel et l’activer à travers des projets de transformation, avec respect envers les choses, les territoires et les habitants, en entretenant une continuité entre ce qui est déjà là et ce qui sera là demain. Les nouvelles contraintes liées au changement climatique sont une chance pour l’aménagement, car nous disposons d’un réservoir énorme de transformation, des campus de bureaux monofonctionnels aux entrées de villes…".
Djamel Klouche enfin, dans une défense et illustration du "projet avec un grand P", "lieu de la synthèse, qui permet de faire surgir le réel, de transgresser le récit qui nous est vendu tous les jours" et de "réconcilier les populations avec l’avenir", a appelé à "repenser nos pratiques professionnelles, à réinventer la commande, à être plus ouverts aux autres et notamment aux habitants", pour "repenser les conditions d’habitabilité de nos territoires et de la planète". Le confondateur de l’AUC rêve d’un nouveau "Crystal Palace" (le palais des expositions créé par Joseph Paxton pour l’expo universelle de 1851 à Londres) dans chaque territoire pour "construire un contre-champ à la toxicité ambiante, un lieu pour la ville, l’urbain, la négociation, pour discuter de demain et de 2050, du petit et de l’hypergrand, un endroit ouvert, libre, où se dessine l’élégance de la société de demain".
Des thèmes à retrouver dans l’ouvrage du Grand Prix 2021 : "La Ville, matière vivante – L’AUC, Grand Prix de l’urbanisme" (Ariella Masboungi, Antoine Petitjean, Ed. Parenthèses).